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2e partie : Texte du podcast 8 : Les héros de l'entre-deux-guerres

Dernière mise à jour : 28 mars 2022


Dernière mise à jour : il y a 10 heures

Comment cocher ‘’Sauver le Monde’’ sur sa ‘’bucket list’’? Bienvenue au podcast épisode 8 de Planet Republyk!

Les 6 prochains épisodes traiteront de l'histoire du mouvement planétariste.


Vous avez peu d'intérêt pour l'histoire ou peu de temps à consacrer à l'écoute ou la lecture des podcasts? C'est l'essentiel du projet Planet Republyk, son modus operandi qui vous intéresse? Vous pouvez attendre (ou passer à, s'il est déjà en ligne) l'épisode 14.

Sachez toutefois que si nous consacrons autant de temps et d'épisodes à l'histoire du mouvement, c'est que d'une part, c'est une histoire fascinante dont nombre d'évènements et de protagonistes sont méconnus, comme vous pourrez le constater, et que d'autre part, cette histoire nous aide à mieux comprendre que les mouvements cosmopolites ou planétaristes sont cycliques et qu'ils fleurissent aux moments charnières de l'histoire. Cette histoire nous permet également de mieux appréhender l'idée que nous traversons, en ce moment, ce type de période charnière et que l'époque actuelle est possiblement plus propice à la constitution d'un parlement mondial qu'aucunes autres périodes avant elle.

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Histoire du mouvement planétariste Partie 3 : Les héros de l'entre-deux-guerres

Parce que cette histoire est aussi la nôtre.

Parce qu’elle est méconnue.

Parce qu’elle devrait pourtant être enseignée dans nos écoles au même titre que l’histoire nationale.


Notre planète est désormais trop petite pour perpétuer un patriotisme de paroisse

Sarvepalli Radhakrishnan


La perspective d’un autre conflit mondial entraîne l’apparition d’associations souhaitant promouvoir les ponts entre les humains plutôt que les clivages qu’offre l’exacerbation des nationalismes, de l’air du temps.


En 1922, Henri Léon Follin fait la promotion de la République universelle de la supranation dans un petit manifeste de 66 pages intitulé Les Conditions d’Un Mouvement Individualiste et Supranational.


Les admonestations pour une gouvernance planétaire étaient jusqu’alors des plaidoyers d’intellectuels. Dès1924, deux femmes changent la donne. Déçues des échecs de la SDN, elles sortent cette idée des livres et des salons de l’aristocratie pour les porter dans la rue.


Rosika Schwimmer et Lola Maverick Lloyd, toutes deux militantes féministes et pacifistes, créent aux États-Unis une des premières organisations de militance citoyenne de la planète visant l’instauration d’un gouvernement mondial. Avènement qui pourrait s’accomplir, selon elles, par la voie d’un fédéralisme des nations et d’une Assemblée constituante des peuples.


Elles étayent leur idée dans Chaos, War or a New Peace Order. Elles lancent, en 1937, à Chicago, une campagne vouée à la promotion d’une Assemblée constituante mondiale dont les membres, élus par les peuples du monde entier, rédigeraient une Constitution mondiale.

Rosika Schwimmer est une personnalité mondiale majeure du mouvement féministe, pacifiste et internationaliste de la première moitié du 20e siècle. Cette grande dame déterminée, brillante et roublarde, quand il le fallait, restera dans l’ombre de l’histoire mondiale avec un grand ‘’H’’ peut-être uniquement parce qu’elle était une femme.

Hongroise d’origine, le militantisme sans concession de cette journaliste, écrivaine, diplomate et suffragette la force à immigrer définitivement aux États-Unis où ce même militantisme l’empêche jusqu’à sa mort d’obtenir la citoyenneté américaine.


En 1914, elle entreprend une grande tournée de conférences aux États-Unis afin de sensibiliser l’opinion américaine au mouvement pacifiste. Lola Maverick Lloyd assiste à une de ces conférences. Les deux femmes deviennent amies et militantes inséparables jusqu’à la mort de Lloyd en 1945.


Schwimmer plantera possiblement la graine qui fera germer la fibre internationaliste du président Woodrow Wilson alors qu’il semblait n’y porter que peu d’intérêt avant ses rencontres avec elle en 1914. En cela, Wilson ne différait pas de ses prédécesseurs, adeptes, eux aussi, de la doctrine de ‘’repli sur soi’’ de l’ex-président américain James Monroe.

En 1915, en plein cœur du conflit, les deux femmes participent, au sein de l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes, à l’organisation d’un courageux Congrès international des femmes pour la paix à La Haye où plus de 1200 déléguées de 12 pays discutent de propositions afin de mettre fin à la Première Guerre mondiale par la négociation.


La même année, elles réussiront à convaincre l’industriel de l’automobile Henry Ford d’affréter un ’’navire de la paix’’ afin de tenter d’initier des pourparlers de paix entre les dirigeants des pays belligérants européens.

Schwimmer obtient le Prix mondial de la paix en 1937. En 1948, elle est candidate pour le Prix Nobel de la Paix. En mémoire de l'apôtre de la non-violence, Gandhi, assassiné cette année-là, le prix n’est pas attribué.



Il n’y a pas de fibre nationaliste en moi seulement une conscience aigüe d’appartenir à la

grande famille humaine.



Rosika Schwimmer


Dès 1938, en écho aux efforts de Schwimmer et Lloyd, et sous l’impulsion de deux diplomates, Salvador De Madariaga et Henri Bonnet, tous deux ex-collègues de la Société des Nations et expatriés cosmopolites, naît simultanément en Angleterre World Foundation et aux États-Unis World Citizens Association. L’organisation fixera son siège aux États-Unis en 1939.

À la même époque, nourries par la même inquiétude de résurgence d’un conflit mondial, émergent les premières associations de citoyens du monde. Le premier à utiliser la nomenclature est le Londonien, Hugh J. Shonfield, qui dès 1938, propose son ‘’Commonwealth des citoyens du monde’’. En 1956, est convoquée une assemblée constituante qui décrète que l’organisation est une nation sans territoire dont tout un chacun peut devenir citoyen en autant qu’il fasse siens les sept principes fondateurs : personne n’est un ennemi; personne n’est un étranger; être au service de tous; tendre à l’impartialité totale; œuvrer pour la paix, pour l’instauration d’une vraie démocratie ainsi que pour l’équité et la justice. L’organisation change alors de nom pour ‘’Mondcivitan Republic’’ dans la langue universelle espéranto. Un premier parlement mondial de l’organisation est élu en 1959.

Toujours à la fin des années 30 parait un ouvrage de référence du mouvement mondialiste : Union ou chaos? Proposition américaine en vue de réaliser une fédération des grandes démocraties de Clarence K. Streit qui deviendra un des porte-étendards les plus influents de Federal Union dont il prendra éventuellement la direction. Ce journaliste du New York Times affecté à la couverture de la Société des Nations y décrit un mode d’emploi concret pour en arriver à l’instauration d’un gouvernement mondial. Il stipule que c’est une erreur que d’«organiser les relations entre les démocraties en prenant pour unité les États et non leurs propres personnes, c’est-à-dire en se fondant sur le principe absolutiste du nationalisme et non sur le principe démocratique de l’individualisme[i]».

Streit contribue au lancement de la première revue mondialiste Liberté et Union : « la revue de la République mondiale qui n’existe pas encore ». Brillant, éloquent et charismatique, il donnera nombre de conférences un peu partout aux États-Unis. Ses idées jouiront d’une grande visibilité médiatique. Il rencontrera Roosevelt et Churchill et il y a tout lieu de croire qu’il fut pour eux ce que Schwimmer avait été pour le président Wilson.


À moins qu'un gouvernement mondial ne soit rapidement constitué et entre efficacement en action, tout l'avenir de l'humanité est sombre et incertain.


Winston Churchill


Assemblée parlementaire de l'OTAN
Assemblée parlementaire de l'OTAN

En 1949, Streit et des membres de Federal Union fondent l’Atlantic Union Committee (AUC). Par son lobbying au plus haut niveau, cette organisation joue un rôle fondamental dans la création et le développement de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) la même année. Ses militants souhaitaient une fédération politique et accessoirement militaire des démocraties mature de l’Atlantique Nord, à leurs yeux première étape d’un réel gouvernement mondial, auquel se joindraient, à terme, toutes les nations du monde au fur et à mesure de leur maturation démocratique. Ils obtiendront plutôt, face à la menace communiste grandissante, une alliance militaire de défense collective affublée d’un pouvoir politique dérisoire. À preuve, qui connaît l’existence de l’assemblée parlementaire de l’Otan qui existe pourtant depuis 1949?


Bien avant la chute de l’URSS, les émules de Streit prépareront le terrain à l’intégration éventuelle de pays du bloc de l’EST dans l’OTAN et l’Union européenne. Federal Union inc.(qui sera rebaptisée Association to Unite the Democracies (AUD) en 1985), l’Atlantic Union Committee ainsi que d’autres rejetons des idées de Streit tel le Council for a Community of Democracies travailleront sans relâche au fil des décennies à l’instauration d’une réelle fédération des démocraties du monde et à une coopération toujours croissante, à tous les niveaux, de ces dites démocraties. En 1950, Streit sera en nomination pour le prix Nobel de la paix.

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Juin 1941, Londres ploie sous les bombes lorsqu’elle accueille les représentants en exil de neuf gouvernements d’Europe ainsi que ceux de gouvernements alliés de la couronne britannique dont l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et le Canada. Le 12 juin, ces quinze nations endossent la déclaration du Palais de Saint-James où elles s’engagent, dès lors, à travailler ensemble à éliminer, une fois pour toutes, les germes de la guerre. Première initiative du genre après l’échec de la Société des Nations, elle inaugure une série de rencontres, traités et documents qui aboutiront à la fondation des Nations Unies en 1945.


Deux mois plus tard, les États-Unis reprennent, encore une fois, et pour ne pas être laissés en reste, le flambeau de la promotion d’une gouvernance internationale sous la houlette d’un Franklin Delano Roosevelt bien conscient que l’isolationnisme de son pays a contribué aux débordements de l’impérialisme du Japon et de l’Allemagne.


En août 1941, le président américain convoque le premier ministre Winston Churchill sur le USS Augusta au large des côtes de Terre-Neuve. Pendant une semaine, les équipes américaines et britanniques s’attèlent à la rédaction d’un document intitulé La Charte de

l’Atlantique. Celle-ci consiste en une série d’énoncés moraux, en huit points, tenant sur une page, relevant plus de l’intention que de l’engagement formel.

La Charte ne sera même pas signée, sur le moment, par les deux chefs d’État. Elle annonce toutefois la volonté des deux nations de présider à l’instauration d’une nouvelle politique internationale avant même la dissolution officielle de la Société des Nations qui aura lieu en avril 1946.


L’historien Fernand L’Huillier voit en cette charte une symbolique très forte :

« Conçue à une échelle plus vaste que la note de Wilson de 1918, les hommes s’y trouvent désormais en mesure non seulement de relever leurs ruines, mais encore de rassasier la faim du monde; de révolutionner la vie du globe s’ils conjuguent vraiment leurs efforts[ii]


Le huitième et dernier article de la charte de l’Atlantique[iii]dont le titre est ‘’Renoncer à l'usage de la violence’’ est assez révélateur de l’ambition du projet:


Ils sont convaincus (on parle ici des pays qui s’engageront à signer la charte) que toutes les nations du monde, pour des motifs aussi bien réalistes que spirituels, devront finir par renoncer à l'usage de la violence. Puisqu'à l'avenir aucune paix ne saurait être durable tant que les nations qui menacent ou pourraient menacer de commettre des actes d'agression en dehors de leurs frontières continueront à disposer d'armements terrestres, navals ou aériens. Ils sont convaincus qu'en attendant l'institution d'un système permanent de sécurité générale, établi sur des bases plus larges, il est essentiel de désarmer ces nations […]


Peut-on imaginer le premier ministre du Royaume-Uni et le président américain entériner un tel document aujourd’hui? Difficilement. Il fallait que l’atmosphère de l’époque soit tout à fait exceptionnel.


Seulement le type de climat qui prévalait alors frappe à notre porte de plus en plus bruyamment.


Il est même sur le point de défoncer la porte.


C'est tout pour l'épisode 8.


Merci à Magali Rolland d'avoir prêté sa voix aux citations.


Le thème musical du podcast est la pièce ‘’Who would have tought’’ de l’artiste Crowander. Elle est une courtoisie libre de droit disponible ici sur Free Music Archive.


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Surtout à ceux qui vous sembleraient intéressés par un tel sujet!


Merci de votre écoute et au plaisir de vous retrouver pour l'épisode 9 !



[i] Clarence Kirshman Streit , Union ou chaos? Proposition américaine en vue de réaliser une fédération des grandes démocraties, Paris, Librairie de Médicis, 1939, p.230. [ii] Fernand L’Huillier, Les institutions internationales et transnationales, Paris, Presses Universitaires de France, 1961, p. 12.

[iii] Site officiel des Nations Unies, Histoire des Nations Unies, Histoire de la Charte des Nations Unies, 1941 : La Charte de l’Atlantique : https://www.un.org/fr/sections/history-united-nations-charter/1941-atlantic-charter/index.html

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