Comment cocher ‘’Sauver le Monde’’ sur sa ‘’bucket list’’? Bienvenue au podcast épisode 10 de Planet Republyk!
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Planet Republyk est une proposition. Un plan, en fait, afin de faire plus efficacement face aux menaces globales à la pérennité de l’humanité et des écosystèmes par l’instauration, par un chemin inédit, d’un parlement mondial réellement supranational à représentation directe en dehors du schème dysfonctionnel habituel des luttes de pouvoir entre nations.
Par l’instauration, donc, d’une cosmocratie, où, selon l’idéal démocratique universaliste, chaque citoyen de la planète équivaudrait à une voix.
Planet Republyk est une ONG à but non lucratif dont la mission est la promotion de l’instauration d’un parlement mondial juste, équitable, égalitariste, légitime et souverain afin de veiller à la gestion des enjeux qui touchent l’ensemble de l’humanité et de la biosphère.
Voici donc en une vingtaine de podcasts le plaidoyer sur la nécessité de cette cosmocratie et une méthode pour l’instauration de cette première république du genre humain. Les 4 prochains épisodes traitent de l'histoire du mouvement planétariste.
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Histoire du mouvement planétariste, Partie 5 :
Parce que cette histoire est aussi la nôtre.
Parce qu’elle est méconnue.
Parce qu’elle devrait pourtant être enseignée dans nos écoles au même titre que l’histoire nationale.
Le premier combat, c'est de tout faire pour construire un ordre mondial qui prenne en compte l'exigence des plus déshérités.
Robert Badinter
J’ai été fort surpris, lors de mes recherches, de constater à quel point les voix défendant l’idée d’un gouvernement mondial ont pu être nombreuses et fortes, au milieu du siècle dernier, pendant le quinquennat qui a suivi la création de l’ONU, et que ces faits, même pour ceux qui s’intéressent à l’histoire universelle, sont relativement peu connus.
L’humanité n’a probablement jamais été aussi près d’une gouvernance démocratique planétaire que pendant la période 1945-1950. En voici un exemple éloquent qui peut sembler surréaliste de notre point de vue contemporain : le 23 novembre 1945, quelques mois après Nagasaki et Hiroshima, le ministre britannique des Affaires étrangères, Ernest Bevin, tient un discours enflammé au parlement britannique sur la nécessité d’une Assemblée mondiale directement élue.
Harold Macmillan, son successeur au même poste, tiendra des propos similaires[i], devant cette même Chambre des communes, exactement une décennie plus tard, en affirmant que:
pour atteindre l’objectif de la paix et du désarmement, une autorité supranationale, investie de vrai pouvoir doit être instaurée. Ce serait, selon certains députés, élever les Nations-Unies ou toute autre autorité à naître au niveau de gouvernement mondial. Qu’il en soit ainsi alors! Ce serait loin d’être le pire des scénarios! À long terme, c’est même la seule avenue viable pour l’humanité!
Les moments charnières de l’histoire voient parfois émerger dans l’espace public des personnages atypiques. Ce fut le cas aux États-Unis peu avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Par son charisme, Wendell Willkie, un néophyte de la politique, y est alors propulsé candidat iconoclaste du parti républicain à l’élection présidentielle américaine de 1940 et ce malgré l’opposition de l’establishment républicain. Il sera défait, mais chauffera tout de même le père du ‘’New deal’’ avec le plus haut score jamais obtenu jusqu’alors par un candidat républicain.
Roosevelt, impressionné par la campagne de Willkie, le mandate en 1943 pour parcourir le monde comme ambassadeur de la bonne volonté américaine. De ses voyages et rencontres en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient, en URSS et en Chine, il tire un livre faisant l’apologie du mondialisme : One world qui se vendra à plus de deux millions d’exemplaires. De ce livre naîtra le mouvement des ‘’One Worlders’’.
On y retrouve cette réflexion de Willkie:
l’internationalisme politique sans internationalisme économique est une maison construite sur le sable. Nous pouvons affirmer aujourd’hui, maintenant que l’internationalisme économique est presqu’achevé, que l’inverse est aussi vrai.[ii]
En 1945, le journaliste Emery Reves publie aux États-Unis The Anatomy of Peace qui défend l'idée d'un gouvernement mondial comme seul moyen d'empêcher la guerre. L’ouvrage très critique de l’ONU à naître deviendra un phare du mouvement mondialiste en émergence.
C’est seulement dans un ordre mondial fondé sur la séparation des souverainetés que la liberté individuelle peut être une réalité.
Emery Reves
( Petit aparté ici; si vous le permettez bien. Vous avez peut-être remarqué que j’utilise plus volontiers les termes planétariste (isme) et universaliste (isme) qu'internationaliste (isme), mondialiste (isme) ou globaliste (isme). Ils renvoient pourtant à des concepts analogues voire synonymes.
La raison en est qu' ''internationaliste (isme)'' renvoit tout aussi bien à une union des humains mais avec comme substrat l’appartenance à la nation, qui comme nous l’avons vu, est la source de bien des problèmes.
Quant aux termes mondialiste(isme) et globaliste(isme) évoqués « dès 1916, dans un ouvrage du juriste belge Paul Otlet qui y souligne la nécessité d’une juste répartition des richesses naturelles[iii] », s’ils recèlent une connotation positive et sont passablement utilisés par la militance planetariste au cours des premières décennies du 20e siècle, changent passablement de sens à la fin de celui-ci en évoquant plutôt les effets nuisibles du néolibéralisme tels paradis fiscaux, uniformisation culturelle, délocalisations d‘entreprises, pratiques délétères pour les travailleurs, syndicats, communautés et l’environnement et/ou mise en concurrence des nations par les multinationales.
Dans cette perspective, l’utilisation des termes ‘’planetariste (isme)’’ et universaliste (isme)‘’, moins chargés d'un sens péjoratif, m’apparait plus appropriée.)
Avant même la naissance officielle de l’ONU donc, des voix critiques s’élèvent déjà à son endroit. Une cinquantaine de notables américains, s’étant réunis dans la ferme de Grenville Clark à Dublin au New Hampshire affirment dans la Déclaration de Dublin[iv], en octobre 1945, quelques jours avant l’entrée en vigueur de la charte de l’ONU, que celle-ci ne permettra pas de remplir sa mission d’empêcher à nouveau la guerre.
Ils demandent l’instauration d’un réel gouvernement mondial. Ils estiment en effet que la paix ne peut être acquise par des traités signés par des nations qui pensent et agissent comme des nations.
Clark, est bien au fait des limites de la Charte. Il a été un des nombreux contributeurs à sa rédaction. Conseiller auprès de quatre présidents américains, il publiera de nombreux ouvrages sur la paix et le désarmement au cours de sa vie dont Un plan pour la paix en 1950 où il défend, entre autres, les idées d’une révision de la charte de l’ONU où le poids du vote des nations à l’assemblée générale serait proportionnel à leurs poids démographiques; de remplacer le conseil de sécurité par un conseil d’administration où le droit de veto n’existerait plus et de créer une force de maintien de la paix mondiale; seule armée autorisée sur la planète. Son œuvre la plus connue demeure toutefois La Paix par la loi mondiale publiée en 1958. Clark et les signataires de Dublin militeront au sein du mouvement américain pour un fédéralisme mondial.
En 1946, un héros de la résistance française, Robert Sarrazac, dont nous reparlerons plus loin, fonde avec Jeanne Allemand-Martin et Paul Montuclard, le Centre de Recherches et d'Expression Mondialiste ainsi que le Front Humain des Citoyens du Monde. Pour les membres de ces collectifs, l’unification du monde se réalise déjà par la technique, par l’économie. Mais comme les menaces sont désormais mondiales, la politique doit elle aussi être planétaire.
Toujours en 1946, quelques mois après le bombardement de Nagasaki et d’Hiroshima, des scientifiques ayant participé à l’avènement de l'atomique publient One World or None, un manifeste dénonçant les risques que laissent planer cette technologie sur la survie de l’humanité si jamais elle était utilisée à mauvais escient. Parmi ceux-ci le physicien et infatigable militant de la paix et du mondialisme, Albert Einstein.
Sur le même sujet, quelques jours avant sa mort en 1955, Einstein co-signe avec une douzaine de scientifiques de renommée mondiale dont Bertrand Russel, le manifeste Russel-Einstein. En voici un extrait, qui, si on l'applique à la menace que représente en 2020 pour l'humain les changements climatiques et la perte de biodiversité, est toujours autant d'actualité :
Presque tous ceux qui sont dotés d’une conscience politique, réagissent fortement à l’un ou l’autre de ces problèmes ; mais nous vous demandons, si cela vous est possible, de mettre de côté vos sentiments et de ne vous considérer dorénavant que comme membres d’une espèce biologique qui a vécu une histoire remarquable et dont la disparition ne peut être désirée par aucun de nous.
Mais ce qui empêche peut-être plus que tout la compréhension de la situation, c’est que le mot « humanité » est perçu comme vague et abstrait. Les gens ont du mal à réaliser que le danger ne concerne pas une vague humanité, mais eux-mêmes, leurs enfants et leurs petits-enfants. Ils ont de la difficulté à comprendre qu’eux-mêmes, individuellement, et ceux qu’ils aiment, sont exposés au danger imminent d’une mort épouvantable.
Nous avons devant nous, si nous en faisons le choix, une progression continue vers le bonheur, le savoir et la sagesse. Allons-nous, au contraire, choisir la mort parce que nous ne voulons pas oublier nos querelles ? Nous en appelons, en tant qu’êtres humains, aux êtres humains : souvenez-vous de votre humanité, et oubliez le reste. Si vous le pouvez, la voie est ouverte vers un nouveau Paradis; sinon, vous faites face au risque d’une mort universelle[v].
Einstein est, dans les dernières années de sa vie, très critique, lui aussi, de l’ONU naissante. Il dénonce la faiblesse de sa charte. Il déclare publiquement que le maintien de la souveraineté absolue des États-nations rivaux interdit la création d’un système efficace; qu’une constitution fédérale du monde est seule garante de la paix universelle. Ce discours, Einstein le tient depuis longtemps, avec son ami le mathématicien et philosophe, Bertrand Russel, il fut même un des pionniers de la militance mondialiste. Déjà, en 1914, quelques semaines après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, il cosignait une lettre dénonçant l’exacerbation du chauvinisme germanique où la formule ‘’civilisation mondiale universelle’’ apparaissait.
La voie qui mène à la sécurité internationale impose aux États l’abandon sans condition d’une partie de leur liberté d’action, en d’autres termes leur souveraineté.
Albert Einstein
En Occident, la publication de One World or None suscite une mobilisation citoyenne massive.
Des manifestations contre le nucléaire émaillent la décennie suivante. C’est pour une de ces manifestations que l’artiste britannique Gérald Holthom dessine, en 1958, un logo qui deviendra un symbole internationalement reconnu de la paix, de la non-violence et du pacifisme.
À l’origine, il ne se veut pourtant que l’emblème des militants de la Campagne britannique pour le désarmement nucléaire dont Bertrand Russel est l’instigateur. Holthom s’inspire du code sémaphorique des militaires britanniques pour créer le logo. Les deux branches qui pointent à gauche et à droite renvoient au « N » et la barre centrale au « D », pour « Nuclear Disarmament ».
En 1946, le député britannique Henry Usborne (avec l’appui de 130 collègues de Westminster, de toutes allégeances confondues, refusant tout comme lui, l’inévitabilité d’une troisième guerre mondiale) fonde le Groupe des parlementaires britanniques pour un fédéralisme mondial.
En 1951, souhaitant sortir ce mouvement du parlement du Royaume-Uni et faisant appel à la fibre mondialiste de leurs collègues des autres parlements du monde, ils créent l’Association mondiale des parlementaires pour un gouvernement mondial qui regroupera jusqu’à 800 parlementaires de 10 pays en 1967.
La même année 98 % des députés du Danemark se déclarent officiellement mondialistes. Cette même année, le fond One World Trust est créé. Sa vocation est de contribuer à la recherche et à la diffusion des connaissances sur la gouvernance mondiale.
Les deux organisations, britannique et mondiale, œuvrent encore à ce jour, la dernière sous le nom d’Association mondiale des parlementaires pour une action globale.
En soutien aux démarches des parlementaires, un mouvement populaire international du nom de Croisade pour un gouvernement mondial prend de l'ampleur. Lors de son premier congrès au Luxembourg, en octobre 1946, ses militants le rebaptisent Mouvement pour un Gouvernement Fédéral mondial.
C'est tout pour l'épisode 10.
Merci à Magali Rolland d'avoir prêté sa voix aux citations.
Le thème musical du podcast est la pièce ‘’Who would have tought’’ de l’artiste Crowander. Elle est une courtoisie libre de droit disponible ici sur Free Music Archive.
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[i] Lord Boyd Orr, « The British Parliamentary Group for World Government », Bulletin of the Atomic Scientists, 12:1,21-22, Issue 1, 1956, Published online: 15 Sep 2015. DOI: 10.1080/00963402.1956.11453677
[ii] Wendell L. Willkie, One World, New York, Simon and Schuster, 1943, p. 17.
[iii] Michel Auvray, Histoire des citoyens du monde, Imago, Paris, 2020, p.11.
[iv] Déclararation de Dublin : http://www.worldservice.org/issues/decjan97/dublin.html
[v] Manifeste Russell-Einstein : https://pugwashgroup.ca/fr/le-manifeste-russell-einstein/
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