Comment cocher ‘’Sauver le Monde’’ sur sa ‘’bucket list’’?
Bienvenue au podcast épisode 17 de Planet Republyk!
Ceci est le quatrième de 10 épisodes de la troisième et dernière partie du projet Planet Republyk.
Si vous ne deviez en lire ou écouter qu'une seule partie; ce serait celle-ci.
Épisode 17 : L'irrésistible montée du cosmopolitisme
Fais en sorte que l’idée d’humanité excède en toi celle de toute autre communauté : fais-toi citoyen du monde autant qu’il est possible.
Pierre Bergé
De voir s’accroître depuis le début du présent siècle, à travers différents textes et interventions, le découragement et la déprime chez des infatigables optimistes de la militance tels Stephen Hawking[i], David Suzuki[ii], Hubert Reeves[iii], Pierre Rabhi[iv], Albert Jacquard, Noam Chomsky[v] ou encore Edgar Morin[vi] m’a profondément marqué.
Si je saisis bien leur propos, en bout de vies consacrées à l’éveil de leurs semblables, ils me semblent affligés du constat suivant : les gains obtenus au fil des décennies sont infimes en regard des besoins.
Face à l’urgence, je me suis mis, bien humblement, à consacrer mon temps libre à réfléchir à l’élaboration d’une proposition.
J’avais besoin de proposer quelque chose. Quelque chose de signifiant. Je me suis dit qu’il fallait arrêter d’attendre un éveil des individualités, exacerbées par la société post-moderne de consommation, pour plutôt tenter de réenchanter le sentiment collectif.
Pour cela, il fallait du fédérateur. Du concret. Une cause, un combat auquel croire. Je dirais même quelque chose qui touche au spirituel. Spirituel dans le sens de ce qui nous unit au grand tout. Qui viserait à redonner un sens à la militance citoyenne en regardant, pour une fois, loin devant; à participer à un élan constructif qui nous honore et pourrait nous rendre fiers collectivement; enfin, à nouveau.
Ne serait-il pas temps d’être fiers de quelque chose? Et quand je dis fiers, je parle de l’ensemble de l’humanité, ou du moins une bonne partie de celle-ci.
Et dans cette longue et minutieuse démarche de recherche et de réflexion, j’ai fini par être chanceux. J’ai accouché d’une idée. D’un projet.
Ce qui semblait trop utopiste au XVIIe, XIXe, voire au XXe siècle est peut-être fruit mûr au XXIe. Le développement et la démocratisation du transport, dont le tourisme international, ainsi que des télécommunications, Internet, au premier chef, maintenant accessibles aux masses, accélèrent la conscientisation d’une appartenance cosmopolite, l’émergence d’une citoyenneté mondiale.
J’ai pu en prendre acte lorsque j’œuvrais en communications pour le cabinet de la cheffe du Parti Québécois au Québec. J’y ai constaté, pendant cette courte période de ma vie, une désaffection grandissante d’une majorité de jeunes pour le nationalisme.
Ces jeunes avaient, dès leur plus jeune âge, lu, vu, goûté la planète-monde sur leur téléphone, tablette, télé. Cela leur avait donné le goût de la voyager, de la vivre. Elle ne leur avait jamais été étrangère. Ayant grandi à une époque où il ne faut pas plus de temps pour parcourir la distance New York-Shangaï, qu’il en fallait à Napoléon Bonaparte, il y a un peu plus de deux siècles, pour couvrir celle de Paris à Lyon[vii]; ils se sentent, chez eux, partout.
Leur planète est devenue littéralement toute petite. Ils se considèrent désormais autant citoyens du monde, que Canadiens ou Québécois. C’est la définition même du cosmopolitisme comme on l’a vu.
Ce désengagement générationnel à l’égard de mouvements à tendance nationaliste n’est pas exclusif aux jeunes Québécois. Au référendum sur le Brexit, la tranche la plus jeune de l’électorat a voté à 75 % contre la proposition de quitter l’Union européenne contre seulement 44% des 50-64 ans et 39% des 65 ans et plus[viii].
Le titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les imaginaires collectifs, Gérard Bouchard, s’est penché sur cette tendance lourde dans son dernier opus[ix] : Les nations savent-elles encore rêver? Cet essai expose, un peu partout sur le globe, depuis le début du millénaire, la transformation des mythes fondateurs des nations.
Récemment, de retour sur les bancs universitaires, j’ai pu constater chez la jeunesse allumée et instruite, l’absolue priorité que beaucoup d’entre eux accordent, dans leur budget, au voyage, à la découverte du monde. Cette priorisation du voyage est bien plus généralisée qu’elle ne l’était au sein de ma propre génération, chez cette même tranche de jeunesse allumée, à l’époque de mes premières études universitaires.
La firme Deloitte, un des plus grands cabinets d’audit au monde, qui effectue chaque année, depuis 2003, des sondages auprès de plus de 16 000 jeunes des générations des milléniaux et Z dans près de 120 pays révélait, dans son Deloitte Global Millennial Survey 2019 que les priorités[x] des milléniaux dans la vingtaine diffèrent de celles des générations qui les précédaient lorsqu’ils avaient le même âge. Ils priorisent aujourd’hui les voyages (57 %) avant l’achat d’une propriété (49 %) ou la parentalité (39%). Encore plus révélatrice de cette distinction générationnelle, la priorité accordée au voyage est plus élevée chez les femmes (62%) que chez les hommes (51%).
Sans nécessairement en être conscients, ils irriguent leur cosmopolitisme. Leur mondialité. Et ce type de jeunesse a toujours été, à toutes les époques, à la fois lanterne et locomotive des évolutions sociales.
C’est à des moments désespérés que la conscience humaine, prête à chavirer, reprend conscience d’elle-même.
André Breton
Ne nous leurrons pas. L’avènement d’un gouvernement mondial EST inévitable. La question est quand et comment.
Dans Datongshu, une étude tout à la fois philosophique, sociologique et historique, le philosophe et théoricien politique chinois Kang Youwei constate, au fil des millénaires, l’implacable marche de l’humanité vers son unification.
La sociologie occidentale[xi], depuis Herbert Spencer[xii], confirme, elle aussi, une dynamique historique de complexification de nos sociétés visant l’ordre et l’unité. Un gouvernement mondial est l’aboutissement cohérent de cette inclination. Il est également l’inéluctable point d’orgue du matérialisme dialectique, la théorie scientifique de l’histoire de Marx et Engels.
La portion la plus éclairée de l’humanité y a aspiré à toutes les époques et, comme l’écrivait fort justement Saint-Simon en 1814: « Les hommes peuvent méconnaître longtemps ce qui leur est utile, mais le temps vient toujours où ils s’éclairent et en font usage[xiii]».
La Guerre froide avait brisé l’élan des mondialistes de l’après-guerre. La fin de celle-ci, jumelée à l’effritement de l’influence des États-Unis, précipitée par les crises simultanées (sanitaire, économique, politique, sociale) de 2020, crée, en ce moment, dans le monde, une conjoncture; un vide, dont la nature a horreur.
C’est sur un de ces rares moments pivots de l’histoire, une transition macro géopolitique d’une hégémonie vers une autre[xiv], soit celle des États-Unis vers celle de la Chine que le mouvement planétariste doit tabler afin de faire avancer l’idée d’une gouvernance mondiale.
C’est d’ailleurs de crainte de se retrouver pris en étau entre la Chine et les États-Unis qu’une soixantaine de pays, dont de nombreux pays du G20, ont lancé, à New York en avril 2019, l’Alliance pour le multilatéralisme. Ces États souhaitent défendre l’idée « qu’un ordre multilatéral fondé sur le respect du droit international est la seule garantie fiable pour la stabilité internationale et la paix et que les défis auxquels ils font face ne peuvent être résolus que grâce à la coopération[xv]. »
Le Mouvement des pays non-alignés avait tenté une expérience semblable à l’époque de la Guerre froide en créant une troisième voie (d’où l’expression Tiers-monde) afin de s’affranchir des pressions du bloc de l’Est ou du bloc de l’Ouest. L'organisation moribonde aujourd’hui regroupait 120 pays en 2012.
Nous pouvons agir collectivement, dès maintenant, pour établir tranquillement et, souhaitons-le, pacifiquement, un gouvernement mondial démocratique ou attendre qu’il soit imposé, dans l’urgence, sous la férule dictatoriale d’un autre de ces génies narcissiques mégalomanes dont les actions sanguinaires chamboulent périodiquement l’histoire de l’humanité.
Nous croyons que des leaders charismatiques aux tendances totalitaires impérialistes tels Staline, Mao, Hitler, Pol Pot ou Mussolini sont des avatars d’une époque révolue; qu’ils ne pourraient ressurgir. Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik[xvi], le linguiste Naom Chomsky[xvii] et le sociologue Edgar Morin[xviii] n’en sont pas si sûrs. Ils croient même que le totalitarisme constitue une prégnante menace pour le monde, et à constater l’émergence actuelle de leaders politiques atypiques dans nos démocraties comme il appert au Brésil, en Hongrie, aux Philippines, en Biélorussie ou en Chine où le président, Xi Jinping, s’est autoproclamé président à vie[xix], et la façon dont ces derniers se sont comportés pendant la dernière pandémie, on ne peut que leur donner raison.
Donald Trump s’extasiait d’ailleurs sur le néo-totalitarisme chinois naissant: « Il est désormais président à vie! Il est arrivé à le faire! Je trouve cela formidable! On devrait peut-être aussi tenter le coup un de ces jours![xx] » À toute autre époque une telle affirmation du président de la nation se réclamant chien de garde de la démocratie dans le monde eut été considérée passible d’anathème par l’ensemble de la classe politique et d’une grande majorité d’Américains. Plus en 2019, semble-t-il…
Il est vrai que la déclaration de Donald Trump était empreinte d’humour. Néanmoins, le 6 janvier 2021, lors de l’assaut, par des milliers de partisans de Trump, du Capitole de Washington, à l'incitation d’un président sortant ne reconnaissant pas le résultat des urnes, ces mots prononcés quelques mois plus tôt prenaient tout-à-coup les allures d’une mise en garde ...
Nous avons pu constater, pendant la pandémie, la tentation de plusieurs gouvernements notamment en Hongrie, aux Philippines, en Israël, aux États-Unis ou en Russie de resserrer l’étau sur la démocratie[xxi] d’une façon pérenne.
Pour certains de ceux-ci, nous ne sommes guère surpris. Seulement, des organisations telles Open Democracy[xxii] ou Human Rights Watch[xxiii]constatent que, sur l’ensemble du globe, à différents niveaux, l’appropriation plénipotentiaire du pouvoir, l’atteinte à la démocratie, la restriction des libertés civiles, la violation des droits de la personne, la surveillance des citoyens ainsi que l’érosion de l’efficacité des contre-pouvoirs par les gouvernements ont été une tentation que ces mêmes contre-pouvoirs (où ils bénéficiaient de quelques vitalités) ont tenté de circonscrire autant dans leur ampleur que dans leur durée.
L’humanité aurait tout à gagner que la première mouture de son gouvernement mondial ne soit pas totalitaire.
Voilà! C'est tout pour l'épisode 17!
Merci à Magali Rolland d'avoir prêté sa voix aux citations.
Le thème musical du podcast est la pièce ‘’Who would have tought’’ de l’artiste Crowander. Elle est une courtoisie libre de droit disponible ici sur Free Music Archive.
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Merci de votre écoute et au plaisir de vous retrouver pour l'épisode 18 !
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[i] Émeline Ferard, « Selon Stephen Hawking, les humains devront quitter la Terre d'ici 100 ans pour survivre », Maxisciences.com, 10 mai 2017.
[ii] David Suzuki, « L’échec fondamental de l’environnementalisme », HuffPost, 23 mai 2012.
[iii] Marie Pâris, « Hubert Reeves : Faisons comme si c’était pas foutu », Voir, 11 avril 2018. [iv] Yannick Boucher, « Pierre Rahbi : Faites votre part », La Voix du Nord, 21 octobre 2016. [v] George Eaton, « Noam Chomsky: The world is at the most dangerous moment in human history », Newstatesman, 17 septembre 2020.
[vi] Ibid. [vii] Académie des sciences, belles lettres et arts de Besançon, Procès Verbaux et mémoires, Imprimerie et lithographie de Paul Jacquin, Besançon, 1898, p. 170. [viii] Rhiannon Lucy Cosslett, « If you’re young and angry about the EU referendum, you’re right to be », The Guardian, 24 juin 2016. [ix] Gérard Bouchard, Les nations savent-elles encore rêver? Les mythes nationaux à l'ère de la mondialisation, Montréal, Les Éditions du Boréal, Montréal 2019, 440 p.
[x] The Deloitte Global Millennial Survey 2019 « Societal discord and technological transformation create a “generation disrupted” », 2019, pp. 8-10. [xi] Guy Giroux, L'état, la société civile et l'économie: turbulences et transformations, Québec, Presses Université Laval, 2001, p. 69.
[xii] Marc Penouil, Gabriel Poulalion, Sociologie pour les sciences sociales, Paris, L'Harmattan, 2008, p.21. [xiii] Claude-Henri de Saint-Simon, Oeuvres Choisies de C.-H. De Saint-Simon, Tome II, Bruxelles, Fr. Van Meenen et Cie, 1859, p. 295. [xiv] Michel Duclos, « Is COVID-19 a Geopolitical Game-Changer? », Institut Montaigne, 24 mars 2020. https://www.institutmontaigne.org/en/blog/covid-19-geopolitical-game-changer
[xv] Site de l’Alliance for Multilateralism : https://multilateralism.org/the-alliance/ , consultée le 27 mai 2020. [xvi] Propos de Boris Cyrulnik recueillis par Stéphane Bureau dans le cadre de l’émission Les grands entretiens, à la première chaîne radio de Radio-Canada, Radio-Canada, 9 mai 2018. https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/les-grands-entretiens/segments/entrevue/71368/boris-cyrulnik-langage-totalitaire-craintes-derives-monde-observation-carriere-entrevue?fbclid=IwAR2-RH1Uv-G6PXbFI2rD3BgRJnOiuQbNBCHByyGXNhHjEuJtUCoOuXtu0LE
[xvii] Vincent Cherpillod, « Enfants des années 30, Noam Chomsky et Edgar Morin redoutent un après-Covid totalitaire », Radio Télévision Suisse, 7 mai 2020. [xviii] Ibid. [xix] Brice Pedroletti, « Xi Jinping s’assure un pouvoir illimité », Le Monde, 26 février 2018.
[xx] Dépêche AFP, « Xi Jinping, président à vie ? "On devrait peut-être aussi tenter le coup", plaisante Trump », L’Obs, 4 mars 2018. [xxi] François Brousseau, « Coronavirus et autoritarisme », Le Devoir, 6 avril 2020. [xxii] Site WEB d’Open Democracy, « DemocracyWatch: People are organising against the assault on democracy across the world », opendemocracy.net, May 28, 2020. Consulté le 29 mai 2020 [xxiii] Site WEB d’Human Rights Watch, Actualités, https://www.hrw.org/news . Consulté le 29 mai 2020
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